Lumière sur …. 3 nouvelles sources d’obligations pour les entreprises en matière de protection de l’environnement

La protection de l’environnement est un enjeu incontournable de notre ère. Nouveau moteur du développement de l’économie mondiale, elle a entraîné l’adoption de nombreuses règlementations dans le but d’encadrer les pratiques des acteurs économiques et de les responsabiliser face aux préoccupations environnementales en forte croissance. Cette dynamique s’est renforcée depuis septembre 2015, lorsque les 193 États membres de l’ONU ont adopté un programme de développement durable à l’horizon 2030 intitulé « Agenda 2030 » fixant 17 objectifs de développement durable à atteindre[1].

Dans cette démarche, l’Union européenne ne cesse de renforcer son cadre législatif en matière de durabilité à travers diverses initiatives. Trois textes récents incarnent cette volonté à travers différents primes : la directive dite « CSRD » par le reporting extrafinancier des entreprises (1), la directive sur le droit à la réparation s’inscrivant dans un objectif de lutte contre l’obsolescence programmée et octroyant un levier supplémentaire aux consommateurs pour la durabilité de leur produits (2) et enfin le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts contraignant les entreprises à produire dans le strict respect de l’environnement (3).

 

1/ Une évaluation de la durabilité des entreprises grâce à la CSRD

Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)[2], impose aux entreprises de nouvelles obligations de reporting[3] extra-financier visant à améliorer la transparence et la comparabilité des informations sur leur durabilité. Les entreprises doivent transmettre, par le biais de ce reporting, des données :

  • Sociales : égalité des chances, conditions de travail, mesures adoptées contre la corruption…
  • Environnementales : atténuation et adaptation au changement climatique, biodiversité, définition des enjeux environnementaux à court et moyen terme…
  • De gouvernance : rôle des organes d’administration, gestion des risques, diversité au sein des conseils exécutifs…

Dans un objectif d’harmonisation et de meilleure comparaison des données, ces dernières doivent être transmises dans le respect des normes de standardisation européennes dites « ESRS »[4] et devront être publiées dans une section dédiée du rapport de gestion des entreprises concernées.

Sont assujetties à l’obligation de reporting :

  • Toutes les sociétés cotées sur les marchés règlementés européens, à l’exception des microentreprises telles que définies par l’article 3 de la directive 2013/34/UE du 23 juin 2023 dite « directive Comptable » et dont le premier reporting devra être publié en 2025. Toutefois, les PME bénéficient d’obligations de reporting allégées.
  • Toutes les autres grandes entreprises européennes, c’est-à-dire, selon la directive Comptable, les sociétés, cotées ou non, au-dessus de deux des trois seuils suivants : 250 salariés ; 40 M€ de chiffre d’affaires et/ou 20 M€ de total de bilan, dont le premier reporting doit être publié en 2026 ;
  • Certaines sociétés non européennes ayant un chiffre d’affaires européen supérieur à 150M€ et une filiale ou succursale basée dans l’Union européenne, dont le premier reporting devra être publié en 2029.

En plus des normes ESRS, de nouvelles normes seront progressivement adoptées par voies d’actes délégués[5] afin de structurer les données à communiquer par les entreprises :

  • Des normes « universelles » applicables à l’ensemble des sociétés, quel que soit leur secteur d’activité. Elles couvrent les enjeux transversaux ainsi que l’ensemble des thématiques socio-environnementales ;
  • Des normes sectorielles ;
  • Des normes spécifiques pour les PME cotées sur les marchés règlementés.

Par ailleurs, la CSRD instaure une double matérialité consistant à analyser tous les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sous un double prisme. La matérialité permet d’identifier les informations comptables susceptibles d’avoir un impact sur la performance financière d’une entreprise. Concrètement, une information est dite matérielle lorsqu’elle dépasse un « seuil de signification », un montant au-delà duquel les décisions économiques, notamment celles des investisseurs, sont susceptibles d’être influencées.

Ces deux prismes sont les suivants :

  • La matérialité financière ; c’est-à-dire les impacts positifs et négatifs des enjeux de durabilité sur les performances financières de l’entreprise ;
  • La matérialité d’impact ; à savoir les impacts positifs et négatifs de l’entreprise sur son environnement économique, social et naturel.

Sur la plateforme Impact mise en place par le gouvernement (https://www.impact.gouv.fr/ ), les entreprises peuvent évaluer leurs performances selon 45 indicateurs ESG.

En cas de non-respect des obligations de reporting, de lourdes sanctions peuvent être prononcées à l’égard du dirigeant :

  • Amende de 3750 euros en cas de non-publication du reporting ou de publication d’informations partielles ou erronées ;
  • Amende de 30 000 euros et jusqu’à 2 ans d’emprisonnement en cas de non-audit du reporting extra-financier ;
  • Amende de 75 000 euros et jusqu’à 5 ans d’emprisonnement en cas d’entrave aux vérifications ou contrôles des auditeurs.

Les démarches instaurées par la directive CSRD visent à promouvoir une transparence accrue des pratiques des entreprises, tout en encourageant une gestion plus responsable. Toutefois, l’Union européenne ne limite pas son approche durable aux pratiques internes des organisations et l’étend également à la manière dont les produits eux-mêmes sont conçus, utilisés et réparés. C’est dans ce cadre qu’intervient la directivité sur le droit à la réparation ayant pour objet de prolonger la durée de vie des produits et à réduire les déchets, en facilitant l’accès des consommateurs aux services de réparation et aux informations sur les pièces détachées.

 

2/ Un nouveau levier pour les consommateurs : la directive européenne sur la réparabilité

         Pilier de la transition énergétique française et priorité de la Convention citoyenne[6], l’interdiction de la lutte contre l’obsolescence programmée passe notamment par un soutien aux secteurs de la réparation[7]. En réponse à cet enjeu environnemental majeur, la directive européenne du 13 juin 2024 dite « Droit à la réparation »[8], vise à encourager la durabilité des produits et réduire les déchets électroniques. Pour cela, elle rend les conditions de réparation des produits plus attractives pour les consommateurs en imposant des obligations contraignantes aux fabricants, désormais tenus de réparer les produits techniquement réparables[9], depuis le 30 juillet 2024.

La directive établit une liste exhaustive des produits couverts par les obligations de réparabilité, à savoir :

  • Les téléphones portables et tablettes,
  • Les lave-linges et sèche-linges,
  • Les lave-vaisselles,
  • Les aspirateurs,
  • Les nettoyeurs à haute pression,
  • Les réfrigérateurs,
  • Les matériaux de soudage,
  • Les serveurs et produits de stockage de données.

S’il choisit de réparer son produit plutôt que d’en acheter un nouveau pendant la période de garantie légale, le consommateur bénéficie d’une extension de garantie d’un an l’incitant ainsi à se tourner vers cette solution plus durable.

De plus, le consommateur peut plus facilement entrer en contact avec les réparateurs de sa région grâce à la nouvelle plateforme en ligne de mise en relation du consommateur et du réparateur. Se trouveront sur cette plateforme les ateliers de réparation agréés, les expertises mises en service ou encore les avis d’autres consommateurs sur lesdits ateliers.

Enfin, la directive met en place un formulaire européen d’informations sur la réparation, comprenant des informations sur le processus de réparation, les délais, les coûts et autres conditions spécifiques.

En parallèle de cette avancée significative en matière de droit à la réparation, l’Union européenne intensifie également ses efforts contre la perte de biodiversité et agit directement sur le changement climatique en adoptant un règlement afin de lutter contre les produits issus de la déforestation et/ou favorisant la dégradation des forêts.

 

3/ Une protection directe de l’environnement par le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts.

L’objectif du Règlement 2023/1115[10] est de réduire le plus possible la part de l’Union Européenne dans la déforestation et dans la dégradation des forêts dans le monde. Pour ce faire, les commerçants et opérateurs[11] de produits bovins, de cacao, de café, d’huile de palme, de caoutchouc, de soja et de bois doivent s’assurer, à compter du 30 juin 2025, que ces produits :

  • Soient issus d’une politique « zéro déforestation » ;
  • Qu’ils respectent la législation du pays d’origine ;
  • Qu’ils fassent l’objet d’une déclaration de diligence raisonnée.

Le règlement institue une obligation de déclaration à la charge des opérateurs et des commerçants afin que ces derniers contribuent efficacement à l’atteinte des objectifs fixés.

Tout d’abord, les opérateurs et les commerçants doivent exercer une « diligence raisonnée » avant d’importer, d’exporter ou de vendre sur le marché les produits listés en cause. La diligence raisonnée est une déclaration devant être complétée par les opérateurs et les commerçants, dans le système d’information européen dédié, avant chaque mise sur le marché, afin de garantir la légalité des produits et l’absence de provenance de la déforestation. Ces acteurs ont l’obligation de transmettre à leurs clients les informations relatives à la diligence raisonnée et son numéro de déclaration. Les TPE/PME sont exemptées de la déclaration de diligence raisonnée.

Trois étapes composent la déclaration de diligence raisonnée :

  • Étape 1 : Le « recueil d’informations » au cours duquel l’entreprise renseigne la quantité de produits mis sur le marché ou exportés, la description de ceux-ci, les pays et zones de production, ses fournisseurs etc…[12];
  • Étape 2 : L’« évaluation du risque » par l’entreprise qui doit estimer le niveau de risque du pays, l’ampleur de la déforestation… Si un risque de déforestation ou de dégradation est avéré, l’entreprise doit suivre la dernière étape.
  • Étape 3 : L’ « Atténuation du risque » au cours de laquelle l’entreprise doit fournir des données supplémentaires, fait l’objet d’enquêtes et audits supplémentaires.

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ou le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire seront garants du contrôle annuel du respect de ces dispositions. Diverses sanctions sont encourues pour le non-respect des obligations imposées par le Règlement :

  • Confiscation des produits non conformes et de leurs revenus ;
  • Amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel ;
  • L’exclusion temporaire, pendant une période maximale de douze mois, des procédures de passation de marchés publics et de l’accès au financement public, y compris les procédures d’appels d’offres, les subventions et les concessions ;
  • L’interdiction temporaire de mettre sur le marché ou de mettre à disposition sur le marché ou d’exporter des produits de base en cause et des produits en cause en cas d’infraction grave ou d’infractions répétées ;
  • L’interdiction d’exercer la diligence raisonnée simplifiée énoncée à l’article 13 en cas d’infraction grave ou d’infractions répétées ;
  • Publication sur le site internet de la Commission européenne du jugement définitif prononcé à l’encontre de la personne morale ayant violé les dispositions du Règlement, qui comprend notamment le résumé des activités enfreignant le Règlement et la nature de la sanction.

 

Par le renforcement de son arsenal législatif, l’Union européenne s’affirme comme un acteur de la transition écologique en mettant l’environnement au cœur de ses préoccupations. En imposant des obligations de transparence aux entreprises, en favorisant la durabilité des produits et en luttant contre la dégradation des forêts, ces nouveaux textes européens mettent les acteurs économiques au défi d’allier performance économique et respect de l’environnement. De prime abord contraignante, la mise en conformité des entreprises à ces nouvelles règles offre une opportunité de se démarquer en contribuant à la construction d’une économie plus responsable et résiliente.

Le cabinet Inside est à votre disposition pour vous aider à naviguer dans ce nouveau cadre juridique en constante évolution !

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[1] ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU, Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030, Résolution 70/1, 25 septembre 2015.

[2] PARLEMENT EUROPÉEN ET CONSEIL, Directive (UE) 2022/2464 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, 14 décembre 2022.

[3] Le terme « reporting » est l’anglicisme utilisé pour désigner la communication de données.

[4] L’acronyme « ESRS » désigne l’European Sustainability Reporting Standards.

[5] COMMISSION EUROPÉENNE, « Actes délégués et actes d’exécution », https://commission.europa.eu/law/law-making-process/adopting-eu-law/implementing-and-delegated-acts_fr#implementing-acts.

[6] CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT, Les Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, 29 janvier 2021, p. 69.

[7] Ibid.

[8] PARLEMENT EUROPÉEN ET CONSEIL, Directive (UE) 2024/1799 établissant des règles communes visant à promouvoir la réparation des biens et modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et les directives (UE) 2019/771 et (UE) 2020/1828 13 juin 2024.

[9] Article 5 de la Directive 2024/1799, op. cit.

[10] PARLEMENT EUROPÉEN ET CONSEIL, Règlement (UE) 2023/1115 relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n°995/2010, 31 mai 2023.

[11] Art. 2 du Règlement (UE) 2023/1115, op. cit. :

Commerçant : « toute personne faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que l’opérateur, qui, dans le cadre d’une activité commerciale, met des produits en cause à disposition sur le marché »;

Opérateur : « Toute personne physique ou morale qui, dedans le cadre d’une activité commerciale, met des produits en cause sur le marché ou les exporte ».

[12] Article 9 du Règlement (UE) 2023/1115, op. cit.